Jamais les jeux politiques ont été aussi passionnants qu’aujourd’hui.
A 15 jours du premier tour des présidentielles, je vais risquer un exercice périlleux : « prédire ce qui va se passer ».
Si je devais avoir raison, j’en serai le premier surpris 🙂
Les forces en présence :
Tout le monde les connait :
- Nicolas Sarkozy : Un vrai capitaine d’industrie perdu dans la politique – Du coup, il est beaucoup plus « concret » qu’idéologue – Autre façon de le dire : le résultat est pour lui plus important que la méthode – Il a eu (selon moi) des résultats réels dans les cinq dernières années, mais a eu le tort de sous-estimer la campagne de dénigrement qui a été orchestrée contre lui …
- François Hollande : Un homme d’appareil très, voire trop, intelligent – Du coup il se perd dans des finesses indéchiffrables pour le commun des mortels, finesses qui sont au final ressenties par une partie de l’électorat comme de la mollesse et de l’indécision.
- François Bayrou : L’homme de la douceur, de la courtoisie, de la vérité et des raisonnements justes (sauf peut être quand il parle d’éducation, où son passé le rattrape) – François Bayrou serait parfait s’il ne cherchait pas à s’accrocher à une chimère: la possibilité de créer un centre politiquement décisif.
- Marine Lepen : L’énergie faite femme – Son discours caricatural et peu idéologique plaît a ceux qui ne veulent pas se fatiguer à comprendre les raisonnements compliqués des politiques classiques – Elle a réussi à dé-diaboliser le Front National, ce qui n’est pas une petite performance.
- Jean Luc Mélanchon : L’idéologue qui a recréé une vraie gauche à la gauche de la gauche – Son discours est clair, compréhensible et convaincant – Sa haine viscérale envers François Hollande est souvent sous-estimée.
- Eva Joly : La femme qui n’a rien compris.
Vous me pardonnerez de laisser les 5 autres candidats de côté.
Qui vote pour qui ?
- L’électorat de Nicolas Sarkozy est constitué de tout ceux qui considèrent qu’il faut un état gestionnaire – Pour être Sarkozyste, il faut être retraité, cadre ou femme, être irrité par la démagogie, et aimer l’action concrète,
- L’électorat de Hollande est centré sur les Bobos (Bourgeois bohèmes) et les fonctionnaires … bref tout ceux qui n’ont finalement pas trop à craindre pour leur avenir,
- L’électorat de Marine Lepen est constitué par les déçus de la politique, qui n’ont pas peur de flirter avec le politiquement incorrect ; on va trouver beaucoup de retraités, de jeunes, de classes populaires,
- L’électorat de Mélanchon est constitué par les nostalgiques du grand jour, les partisans du y’a qu’a, les amoureux des manifs de Bastille à République. En rendant possible, par la magie du verbe, tout ce que les autres affirment être impossible, Jean Luc Mélanchon offre une voie de sortie à ceux qui ne croyaient plus à rien.
- Quant à l’électorat d’Eva Joly, il se restreint aux écologistes militants … et encore, les vrais auraient préféré Nicolas Hulot.
L’arithmétique :
Nous n’allons pas reprendre ici les sondages, qui de toutes façons évoluent de jour en jour ; mais en gros la situation est la suivante :
- Hollande et Sarkozy : 30%
- Méluche et Marine : 15%
- Bayrou : 10%
De toute façon, les lois de la démocratie font que cette fois encore le jeu est un jeu serré à 49-51 ou 51-49 (voir article sur ce blog).
Identifions plutôt les grandes questions susceptibles de changer complétement la donne ! Pour ma part, je n’en vois que deux :
- Comment va s’opérer le transfert de voix des électeurs de Marine Le Pen ?
- Comment va s’opérer le transfert de voix des électeurs de Jean Luc Mélanchon ?
Pour être plus clair, existe-t-il un risque pour que les électeurs des extrêmes choisissent l’abstention plutôt que le report naturel,
Le scénario anti-Sarko
Si l’anti-Sarkozysme est toujours un phénomène notable derrière le rideau de l’isoloir, alors il y a un risque non nul que les électeurs ayant voté Front National au premier tour restent chez eux au second tour.
Deux faits viennent tempérer cette possibilité :
- Primo : Nicolas Sarkozy est un redoutable tribun et a réussi à faire revenir une grande part des anti-Sarkozystes à de meilleurs sentiments,
- Secundo : certains électeurs FN peuvent déclarer aux sondages qu’ils s’abstiendront au second tour, mais la crainte de voir revenir le PS les conduira à voter quand même.
Bref, au final, le report des voix devrait quand même être significatif au profit du président sortant … Qui vivra verra !
Le scénario « révolutionnaire » !
Plus je réfléchis et plus je pense que le scénario suivant est loin d’être improbable :
- Sans les voix de Mélanchon, Hollande ne passe pas !
- Donc Mélanchon va négocier très durement ses consignes de report de voix,
- Jean Luc Mélanchon est tellement dans l’outrance, qu’il va demander des choses impossibles (genre le SMIC à 1700 €, ou interdiction des licenciements…)
- Si Hollande les refuse, ou pire, s’il adopte une attitude fuyante ou ambiguë, alors Mélanchon aura le choix entre deux positions :
- rentrer dans le rang et jouer la « discipline de gauche » … Le problème est que s’il fait ça, il disparaitra définitivement des radars politiques,
- se cabrer et expliquer à son électorat qu’il représente la seule gauche qui défende encore les travailleurs, et que mieux vaut s’abstenir pour combattre le microcosme politique corrompu (dont Hollande et Sarkozy sont deux représentants aussi pourris l’un que l’autre !).
- La question est « sera-t-il suivi ? » … Difficile à dire ; par les ultras convaincus, je pense que oui ; par les transfuges de la gauche du PS, sans doute non.
Conclusion
La France est un pays formidable, où la politique reste un jeu passionnant.
Au moins, le risque de voir Marine, Eva ou Jean Luc élus président de la République est-il temporairement écarté !
Ouf …
Après les Présidentielles
Comme vous le savez maintenant, mes prédictions à la noix ne se sont pas trouvées vérifiées le moins du monde :
- les électeurs du FN se sont abstenus
- les mélanchonnistes ont voté Hollande comme un seul homme …
Les voix des électeurs sont impénétrables !