La Grèce doit-elle sortir de l’Euro ?

Sur toutes les radios économiques, les commentateurs nous expliquent que la Grèce va très mal et se demandent si elle doit sortir de l’Euro …

Le problème et que je ne comprend pas le lien entre les deux parties de la phrase … Je dois être plus bête que la moyenne ! …


Rappel sur les grands mécanismes de gestion de la dette :

Prenons un état : la Syldavie (bien connue des lecteurs de Tintin).

La Syldavie a une monnaie : le Khôr.

L’économie Syldave fonctionne à merveille au point que le roi Muskar XII, monarque vénéré, a décidé de construire une ligne de chemin de fer qui va de Kragoniedin à Niedzdrow en passant par la capitale Klow.

Le budget de l’état syldave étant insuffisant pour couvrir cette dépense sur une année, le bon roi Muskar a décidé de faire un emprunt auprès des grands fonds d’investissement internationaux.

La dette ainsi générée est remboursable en euro, sur 10 ans au taux de 3,5%, ce qui est très favorable.

Malheureusement, la crise économique a totalement modifié la donne et, les recettes du royaume étant en baisse, la charge de la dette devient beaucoup trop lourde.

Le roi Muskar XII a imaginé trois possibilités :

  • soit il décide de faire des économies : il ne remplace qu’un fonctionnaire sur deux, annule le programme de remplacement des autobus royaux, fait payer l’entrée du musée d’Ottokar II, son ancêtre, et décide de ne pas augmenter les retraites ; toutes ces décisions ne sont pas très populaires ;
  • soit il augmente les impôts ; ce que ses sujets n’apprécient à vrai dire pas beaucoup ;
  • soit il vend la fabrique royale de « Szlaszeck aux champignons » (le plat national syldave) à un grand industriel français.

Son conseiller personnel et ministre des finances, le pousse plutôt à faire fonctionner la planches à billets et à émettre 10 milliard de Khôr sur 8 ans.

Le mécanisme est le suivant :

  • Le Khôr va évidemment perdre de la valeur sur les marchés internationaux (V2 = V1*MM / (MM+NE), ou V2 est la nouvelle valeur du Khôr, V1 la valeur actuelle, MM la masse monétaire totale et NE le montant de la nouvelle émission),
  • Mais l’état étant le bénéficiaire de la totalité de l’émission nouvelle (NE), alors que la baisse de cours se fait en rapport à la totalité de la masse monétaire, l’état sera gagnant et disposera pour un temps de liquidités nouvelles, même exprimées en Euro.
  • Evidemment, l’économie étant toujours un jeu à somme nulle, le peuple Syldave financera globalement cette opération puisque toutes les importations se paieront avec un Khôr dévalué ; le pétrole, le gaz, les voitures, les avions, le ciment importés, coûteront plus cher, sans que le revenu moyen n’augmente le moins du monde.

L’avantage d’une dévaluation est que le peuple ne se rend compte de rien dans un premier temps puisque les salaires et les pensions restent identiques en khôrs ; seuls les prix des produits importés augmentent … mais il est facile d’expliquer que ces augmentations sont dues à la rapacité des grands financiers internationaux et à la crise qu’ils ont générée !

Quelques temps après la dévaluation, le bon peuple descend dans la rue et les salaires augmentent doucement. Les impôts augmentent aussi, de sorte qu’au bout de deux ans, l’état syldave est revenu à l’état initial, avec un Khôr dévalué … mais qui s’en soucie.

Il suffit alors de refaire une nouvelle émission monétaire tous les deux ans jusqu’à acquittement complet de la dette.

Pour dire les choses simplement, faire fonctionner la planche à billets, c’est lever un impôt qui ne dit pas son nom, et qui sera d’autant plus rentable que le peuple ne se rendra pas compte tout de suite de la manœuvre.

La Grèce :

La Grèce, est dans une situation très comparable à la Syldavie … avec deux différences de taille !

La première différence est que la Grèce n’a pas fait un emprunt pour construire une ligne de chemin de fer, mais fait tous les mois un emprunt pour payer ses fonctionnaires.

La technique de la dévaluation sera donc très inefficace, car comme nous l’avons vu pour la Syldavie, l’ « effet bénéfique » d’une dévaluation ne dure pas à l’infini ! L’embellie n’est qu’un effet transitoire. Alors, si le trou se creuse par devant au fur et à mesure que l’on essaie de le combler par l’arrière, l’affaire risque d’être chaude !

Il n’est pas dans l’objectif de ce blog de faire des calculs économiques complexes, mais il est intuitivement évident qu’à partir d’un certain niveau de dette, la solution « dévaluation » ne peut plus ré-aligner les compteurs sans précipiter le pays dans une crise sociale majeure … La Grèce a clairement dépassé ce niveau.

La seconde différence est que la Grèce fait partie de la zone Euro.

Appartenir à la zone Euro présente de gros avantages, en particulier en donnant accès naturellement à un marché 40 plus gros que le marché national grec … mais la contrepartie est que la monnaie devient un bien commun, et que le gouvernement Grec ne peut plus décider seul de la dévaluer !

La Grèce se retrouve donc face aux solutions imaginées initialement par Muskar XII, et accessoirement poussées par un grand ex-directeur du FMI, de sensibilité socialiste :

  • Lever plus d’impôts,
  • Faire des économies,
  • Vendre ses bijoux de famille.

Auxquelles s’ajoute une quatrième solution, pour laquelle le directeur ci-dessus n’était pas très favorable : « restructurer la dette » … en bon français : « ne plus rembourser ».

Dans cette dernière hypothèse, la sanction sera immédiate : plus de prêt, baisse obligatoire des salaires, coupes budgétaires épouvantables, récession, grecs dans la rue …

Finalement, les solutions s’articulent comme suit :

Le défaut de paiement étant la la solution de la dernière extrémité, toute la question est de savoir comment articuler les 3 premières solutions pour éviter le pire, en sachant que la dévaluation n’était guère qu’une façon masquée de faire la même chose sans le dire !

De la sortie de la zone Euro :

A ce point du raisonnement, beaucoup de commentateurs disent : « puisqu’on en est là, alors la Grèce doit sortir de la zone Euro, pour ne pas fragiliser les autres pays ».

Je vais vous raconter une histoire :

Mon voisin a acheté une voiture à crédit l’année dernière. Ayant envoyé la dite voiture dans un platane à la suite d’une soirée arrosée, il a décidé de ne plus payer ses mensualités à la banque.

Je précise que la voiture a été payée en Euro, et que je suis à la même banque que mon voisin.

Le défaut de mon voisin me fragilise-t-il parce qu’il a acheté sa voiture en Euros ? S’il l’avait payée en Khôrs ou en Dollars, cela aurait-il été mieux pour moi ?

Ben non … mon voisin est mon voisin, sa dette est sa dette et ses engagements ne me concernent pas, exprimés en Euros ou en toute autre monnaie.

Oui, mais notre banque commune est fragilisée !

Ah bon ? parce que la Grèce n’a emprunté qu’à des banques européennes ?

Cessons de rire ! Monnaie commune ou pas monnaie commune, la défection de la Grèce n’obligerait, en pure mécanique financière, absolument pas que la Grèce sorte de l’Euro ! Nous sommes là dans le domaine de la désinformation.

Nous assistons en fait à des manœuvres destinées à laisser le mistigri dans les mains d’un autre :  Dans le cas qui nous concerne, les organismes financiers seraient ravis que la communauté européenne couvre tout ou partie de la dette grecque ! De là à penser qu’ils manipulent l’opinion pour la convaincre que c’est inévitable !

Le pire serait que les grands fonds menacent d’augmenter le coût du crédit pour les pays européens, même ceux en situation saine, pour forcer la communauté à couvrir partiellement la dette grecque !

C’est certainement de la pure médisance de ma part !

Remettons la balle au centre :

Simplement pour avoir une vue claire : voici l’évolution de la dette grecque comparée à celle de l’Allemagne :

Pensez vous que les grecs aient été victimes d’un coup de pas-de-chance ? Qu’ils se sont fait piéger sans avoir rien vu venir ?

Pensez vous qu’il n’ont pas utilisé l’argent emprunté ? Qu’avec les salaires, les pensions, les budgets financés par les autres,  ils n’ont pas profité de cette richesse à crédit ?

Maintenant que vous avez compris que zone Euro ou pas zone Euro, le problème grec ne concerne malheureusement que la Grèce ! Pensez vous qu’il serait juste que les autres pays européens mettent sans compter la main à la poche pour les aider à rembourser, tout en les laissant continuer à dépasser leur budget ?

Le point de sortie est clair … Oui l’Europe pourra/devra aider un peu … Mais l’heure est venue pour les grecs de rembourser leurs emprunts, quelque soit la manière de procéder !

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