Agriculture et concurrence

Périodiquement, l’actualité tonne des protestations des exploitants agricoles, qui somment la puissance publique de trouver des solutions à leurs problèmes !

Mais au fond, les agriculteurs, éleveurs et autres acteurs du monde de l’agriculture ont-ils tort de demander à l’état d’agir ?


Les protagonistes

Examinons la réalité en prenant un exemple : le cas des éleveurs :

  • les éleveurs créent le produit initial : la viande,
  • les transformateurs la préparent,
  • la distribution, se charge de la commercialiser.

Chaque acteur est placé dans un environnement concurrentiel qui l’oblige à choisir ses approvisionnements en fonction de deux critères : la qualité et le prix, le prix étant de loin le plus déterminant.

Les éleveurs ont choisi d’acheter leur tracteur agricole chez John Deere, New Holland, Claas, Massey Ferguson et Case IH  (tient ! ils n’achètent plus de tracteurs français ? pas assez compétitifs sans doute !),

Les transformateurs achètent leur viande sur le marché Européen (c’est la loi ! rappelons le !), sur des critères de qualité mais surtout de prix,

La (grande) distribution choisit de commercialiser les produits des transformateurs, en fonction d’un mixte qualité/prix.

Normalement, ces mécanismes sont implacables, mais vertueux ; ils doivent éliminer les mauvais acteurs, favoriser les bons,  et aller dans le sens de la plus grande satisfaction du consommateur.

La grande tromperie :

Or les mécanismes de concurrence évoqués ci-dessus ne prennent pas en compte un quatrième acteur : l’Etat.

Prenons l’exemple de la relation éleveurs / transformateurs, et supposons un instant que tous les éleveurs en Europe soient aussi performants les uns que les autres : qu’ils produisent de la viande de même qualité avec le même volume de main-d’œuvre, le même besoin en fourrage et en services, c’est à dire avec des charges de production identiques.

(Au passage, vous noterez que l’on n’est pas très loin de cette situation, car les techniques d’élevage sont publiques et connues de tous dans tous les pays ! Pourquoi diable serions nous statistiquement plus ou moins performants que nos voisins ?)

Dans cette hypothèse, et sous réserve que les charges sociales et fiscales soient identiques, les transformateurs français choisiraient systématiquement la viande des éleveurs français, puisque les coûts de transport seraient, toutes choses égales par ailleurs, moins élevés pour notre production nationale que pour les productions étrangères.

Or, un paramètre essentiel différencie l’éleveur français de l’éleveur croate (pour prendre un exemple au hasard) :

  • l’éleveur croate paie 20% de charges sociales,
  • l’éleveur français en paie 65% !

Donc, la viande croate sera forcément moins chère à qualité équivalente que la viande d’origine française ! On peut toujours en parler des heures, ergoter à n’en plus finir, dire que c’est scandaleux, qu’il faut que et qu’il n’y qu’à : c’est la triste réalité !

On est donc dans une situation où nos éleveurs sont en concurrence, mais l’Etat leur impose des charges qui, quoi qu’ils fassent, les condamnent  être plus chers et moins compétitifs  que leurs concurrents étrangers.

On deviendrait hargneux pour moins que ça !

Et alors ? Quelle est la solution ?

En bonne logique, face à cette situation, il y a quatre solutions :

  • dire que le monde agricole raconte des calembredaines,
  • crier haro sur les transformateurs et la grande consommation,
  • dire que c’est la faute de l’Europe, et limiter le libéralisme intra-communautaire,
  • imposer de la modération à l’état !

Vous noterez, qu’au cours du temps, il y a eu des tenants des 4 thèses :

Il y a quelques années une grande partie des médias présentaient les agriculteurs comme de dangereux activistes ; cette présentation essentiellement politique est de plus en plus rare, car nier un problème ne l’a jamais résolu ! Par ailleurs, l’opinion commence à comprendre que la situation dénoncée est sérieuse,

Les organisations syndicales agricoles (idéologiquement orientées) s’en prennent généralement à la grande distribution ; en sachant que trouver un accord entre le monde paysan et là grande distribution ne change en aucune façon les données du problème pour ce qui concerne la compétitivité des agriculteurs français comparés à leurs confrères étrangers,

Un certain nombre d’hommes et de femmes politiques pointent l’Europe du doigt, et  soutiennent qu’il faut refermer les frontières et mettre fin au libre échange au sein de l’Europe  (Pour être plus précis, ils réclament que la viande croate ne soit plus importée en France, mais que les automobiles françaises soient toujours vendues en Croatie !). Passons …

Une idée commence à se faire jour selon laquelle l’état écrase de charges les agriculteurs, et pourrait leur concéder des exonérations pour améliorer les marges d’exploitation ; on aborde ainsi le problème de biais car l’Etat lui-même est la source de la distorsion de concurrence.

Je pense que la vérité est dans cette dernière assertion!

En conclusion

L’Etat français ressemble à un pied de gui, qui aurait trop grossi et qui détournerait à son profit, et de façon excessive, la sève de l’arbre qu’il habite.

Faut-il dans ce cas :

  • Dire que ce n’est pas vrai ?
  • Accuser l’arbre de n’être pas assez solide ?
  • Placer des étais pour éviter que les branches ne cassent, et le laisser dépérir ?
  • Ou faut-il couper autant que l’on peut, le gui qui l’étouffe ?

Pour moi, l’affaire est claire ! Qui aura le courage de nous proposer cette solution avant que la France croule étouffée par son administration ?

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