Fin des manifestations sur les retraites :

La contestation de la réforme des retraites s’étiole et se termine dans une certaine confusion.

Cette fin « inhabituelle » pour un mouvement social majeur, laisse un goût amer dans la bouche de ceux qui se sont engagés dans l’action revendicative, et un fantastique sentiment d’incompréhension.

Essayons de comprendre ce qui nous est arrivé !

Le passé :

Depuis près de 40 ans, les mouvements sociaux en France débouchent toujours, directement ou indirectement, sur la satisfaction des revendications exprimées.

Rappelons nous des exemples les plus flagrants :

  • Mai 1968 où le salaire minimum a été augmenté de près de 50%,
  • Décembre 1995 où le projet de réforme des retraites, dit plan Juppé, a été retiré,
  • 2006 où le projet de CPE est également retiré.

Ces reculs gouvernementaux peuvent être interprétés, selon la sensibilité politique de l’analyste :

  • soit comme un manque caractérisé de courage des gouvernants, plus sensibles au fait de ne pas obérer leurs chances pour leur prochaine réélection, qu’à l’intérêt à long terme de la nation,
  • soit comme un fin savoir faire politique, qui privilégie la paix sociale et l’unité nationale, fusse au prix d’une entorse aux règles de bonne gestion du pays,
  • soit comme la juste application des principes démocratiques, qui veulent que les désirs du peuple fassent loi,

Personnellement, je pense que la vérité est certainement un mélange subtil de ces différentes façons de voir les choses.

La démocratie au parlement ou dans la rue ?

Toutefois, ces reculs répétés du pouvoir soulèvent deux questions de fond :

primo : La volonté du peuple s’impose-t-elle à l’Assemblée Nationale et au Sénat, dès que le peuple descend dans la rue ?

Secundo : Les syndicats de salariés sont-ils légitimes pour exprimer la volonté de la rue ?

Si l’on répond « oui » aux deux questions ci-dessus, la conséquence est claire : Seuls les syndicats sont maîtres des évolutions des lois majeures !

Ce modèle a déjà été expérimenté dans le monde avec le modèle marxiste, appelé comme chacun sait  « dictature du prolétariat » ; ce modèle stipulait :

  • que le pouvoir appartient au peuple,
  • que le « Parti » a pour objectif le bonheur du peuple,
  • qu’en conséquence tout ennemi du « Parti » est un ennemi du peuple,
  • et qu’il faut éliminer les ennemis du peuple et donner tout le pouvoir au « Parti » …

Je n’ai vraiment pas envie de ce régime là pour notre pays ! même en remplaçant « Parti » par « Syndicat ».

Sarkozy : un briseur de modèles ?

Notre actuel président, qu’on l’apprécie ou non, a décidé de briser la logique du passé et de suivre un chemin différent :

  • primo : élaborer la loi en concertation avec les acteurs sociaux et économiques,
  • secundo : proposer une loi correspondant au meilleur équilibre possible,
  • tiertio : s’en tenir aux institutions et tenir bon face à la pression de la rue.

Les acteurs sociaux et économiques ont apprécié la phase « primo », même si aujourd’hui ils reprochent au gouvernement de ne pas avoir négocié (ils appliquent là le principe bien en connu en négociation selon lequel : « ce qui est acquis est acquis, et ce qui n’est pas obtenu reste à négocier »).

La phase « secundo » reste et restera toujours discutable. Il va de soi qu’une certaine quantité de citoyens, considérant leurs intérêts personnels et particuliers, peuvent regretter que telle ou telle mesure n’ait pas été prise. Dans cet esprit, l’opposition a clairement défendu que le projet était injuste, puisqu’il ne prend pas totalement en compte les mille et un points de vue … Certes !

La phase « tertio » est enfin une rupture totale par rapport aux pratiques antérieures, puisque, à l’inverse de toutes les expériences précédentes, la décision est restée in fine dans les mains du pouvoir législatif.

Je pense que cette attitude à beaucoup surpris les organisations syndicales et l’opposition qui ont cru, dans un premier temps que le gouvernement ne pourrait pas maintenir sa réforme face à un océan de manifestations.

Et puis, quand il est apparu que le gouvernement se céderait pas, s’est posé l’épineux problème de savoir comment allait être négocié le virage de fin de crise.

Comment sortir de la crise sans créer une fracture irrémédiable ?

Chacun sait que le vrai politique a l’expérience et le pragmatisme qui lui permet de transformer la pire des déculottades en victoire !

Par contre, le responsable syndical de base ne peut que rester dans un modèle de combat en sanctuarisant sa défaite, pour immortaliser l’injustice et conserver la motivation des troupes … motivation dont il tire sa légitimité.

Le problème du gouvernement dans l’après crise des retraites, est donc d’éviter un enkystement durable.

La solution est connue : il faut fabriquer une défaite artificielle, afin de permettre aux organisations syndicales de proclamer leur victoire !

Mais au fait ! les syndicats préfèrent-ils une victoire partielle, ou une « injustice » actée ? …

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