De la représentativité des syndicats

La réforme des retraites préparée par le gouvernement est en cours de négociation avec les syndicats !

Le bruit médiatique est tel qu’il semble que la seule négociation en cours soit menée avec eux ! Mais est-ce si normal que l’on veut bien nous le faire croire ?


Un peu d’histoire :

La loi du 23 décembre 1946 a organisé durablement le monopole de négociation des organisations syndicales représentatives. La représentativité des syndicats a été précisée  par une loi de 1950 ; elle dépend, en autres critères, de leur « attitude patriotique » pendant l’occupation.

Soulignons bien que le critère était l’attitude pendant l’occupation et non pendant la guerre, puisque  les syndicats de sensibilité communiste, qui avaient apporté leur support indéfectible au grand frère soviétique, se trouvaient naturellement dans le camp de l’Allemagne au début du conflit mondial !

Ainsi, 4 syndicats ont été irréfragablement reconnus comme représentatifs :

  • La confédération générale du travail,
  • La confédération générale du travail – Force ouvrière,
  • La confédération française des travailleurs chrétiens,
  • La confédération générale des cadres.

Puis, par le jeu des scissions, la CFDT est née de la CTFC en mars 1966.

Les autres critères de représentativité étaient définis de façon telle que l’arrivée d’un nouveau syndicat dans ce club fermé était pratiquement impossible.

Cette définition particulièrement restrictive de la représentativité syndicale a été modifiée en août 2008 . Malgré cette réforme, force est de remarquer que nous vivons toujours dans la logique de l’ancien système.

Les conséquences de la loi de 1946 :

Les syndicats français tirant leur légitimité de la loi et non de leurs électeurs, n’ont jamais été de véritables « syndicats » au sens allemand ou américain, mais plutôt des « partis politiques alternatifs ».

En effet, peu importe que le nombre d’adhérents soit minime et que seule une faible fraction des électeurs se déplacent pour aller voter, cette absence de base démocratique n’a aucune incidence in fine sur le pouvoir du syndicat.

A l’inverse, pourquoi les travailleurs paieraient-ils leur cotisation annuelle puisque qu’ils seront défendus en tout état de cause par le syndicat majoritaire, qui ne peut évidemment réserver son action à ses seuls adhérents ?

La loi de 1946 a donc créé un système en « boucle ouverte » tel que les français l’affectionnent tant, où 5 syndicats mènent la politique qu’ils veulent, sans légitimité démocratique, et avec un pouvoir garanti par la loi !

L’état d’esprit qui en découle :

Les français ont, depuis des années, une relation fausse avec leurs syndicats.

  • Le syndicat américain (par exemple) est clairement professionnel ; il tire sa représentativité du nombre de ses adhérents et mène des actions catégorielles sans s’en cacher. Le syndicat ne cherche pas s’immiscer dans la vie politique.
  • Le syndicat français dit représenter l’ensemble de la population active ; Personne ne remet en cause sa représentativité ; il mène des actions à forte connotation politique.

Du coup, les syndicats font partie du paysage au même titre que les partis, à la différence notable qu’ils n’ont pas besoin de remporter d’élections et ne sont pas dirigés par des élus.

Or, compte tenu de leur histoire et de leur ancrage dans l’entreprise, les syndicats ne sont légitimes que sur les problèmes de la population active et non sur les problèmes des chômeurs, des retraités, des mères de famille, ou des « enfants à naitre ».

Malgré cette focalisation, les syndicats vivant encore sur l’incontournabilité que leur conférait la loi jusqu’en 2008, veulent apparaitre comme omniscients et aussi crédibles que les politiques sur les questions de société.

Tant que leur action vise à déplacer le barycentre de la richesse vers la gauche, les syndicats sont parfaitement dans leur rôle (la tranche d’age supérieure étant plutôt orientée à droite, et le système visant à atteindre un équilibre ; voir l’article sur la démocratie),

Mais, à l’instar des organismes financiers qu’ils critiquent abondamment, les syndicats ont maintenant tendance à favoriser un transfert de richesse des retraités vers les actifs, et à laisser à nos enfants la dette inévitablement générée … et là, il sortent clairement de leur périmètre.

Pour résumer :

  • défendre les ouvriers contre les patrons … les syndicats sont parfaitement dans leur rôle !
  • plumer les retraités au profit des ouvriers … ils sont à l’évidence en train de franchir une ligne jaune !

Leur discours grandiose faisant accroire qu’ils œuvrent pour le bien de la nation toute entière, ne change rien à l’affaire !

Les dangers :

Je ne vous fait pas de dessin ! Dans les grands enjeux liés à l’évolution de notre société, les syndicats en sortant de leur rôle naturel, troublent considérablement le débat démocratique.

Armés d’arguments catégoriels, ils s’immiscent dans les débats de société et exercent une pression déraisonnable pour défendre leur « population naturelle », alors que leur rôle est normalement de participer à l’équilibre des forces au sein de la dite « population naturelle ».

Or les français, sentent confusément le hiatus, mais ne pouvant analyser la source précise du problème, ils ont tendance à rejeter en bloc l’action syndicale, ou plutôt, ses errements (les grèves en appui de thèses politiques par exemple) …

Les syndicats, s’ils ne prennent pas conscience de la situation, creusent leur propre tombe avec leurs dents.

Les solutions :

La solution a déjà été initiée : la loi de 2008 propose de refonder la représentativité des syndicats sur leur audience mesurée au niveau des élections professionnelles.

Cette réforme sonne certainement le glas de certains syndicats, mais introduit des mécanismes vertueux qui vont dans le sens du renforcement de la démocratie dans notre pays.

Merci sincèrement aux politiques et aux syndicalistes qui ont initié le mouvement !

One thought on “De la représentativité des syndicats

  1. Qu’il est bon de lire des analyses qui dépassent le populisme ! Vous avez entièrement raison et je pense que ce mouvement de démocratisation devrait s’appliquer aux organisations patronales. Car n’oublions pas qu’en face des syndicats de salariés il y a des organisations (MEDEF/CGPME) qui n’ont de représentatif que le statut et qui n’ont pas été touchées par la réforme de 2008.

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