La bourse : j’ai un doute !

La bourse existe depuis de très nombreuses années : les médias nous en relatent au jour le jour les variations, douces, brutales, imprévisibles, quelquefois douloureuses …

Et pourtant, je ne peux m’empêcher d’avoir un grand doute sur l’honnêteté de ce « jeu »


Revenons à la base :

Prenons une entreprise industrielle créée au départ par des industriels courageux.

Avec le développement de l’entreprise, celle-ci à besoin d’argent pour acheter de nouvelles machines, approvisionner ses matières premières, faire des développements de nouveaux produits.

Des particuliers acceptent de confier leurs économies à l’entreprise, en échange de quoi les dits particuliers reçoivent des actions qui leur donnent droit à des dividendes, c’est à dire à une fraction des bénéfices annuels réalisés.

Ces actions sont négociables (elles peuvent être revendues à un tiers) : la valeur de l’action dépend évidemment du montant des dividendes escomptés !

Si l’entreprise ne fait pas de bénéfice, elle ne peut distribuer de dividendes, et donc ses actions ne valent normalement pas très cher.

A l’inverse, si les affaires sont florissantes et que le bénéfice de fin d’année est substantiel, alors les actions représenteront un droit potentiel à toucher beaucoup d’argent : elles pourront donc se négocier très cher.

Ça, c’était au début du 20ème siècle !

Mon problème existentiel :

Mon inquiétude est que, si je regarde le portefeuille d’actions que j’ai confié à ma banque, la part des dividendes versés chaque année est microscopique !

Par contre, curieusement, la valeur de mon portefeuille croît et décroît en fonction d’un paramètre étonnant appelé : « le marché », mot magique s’il en est qui signifie « tout le monde » ou « personne », selon le moment …

Une histoire qui m’a fait réfléchir :

Je vais vous narrer ici une histoire, que j’aime bien et qui décrit parfaitement, selon moi, le phénomène :

Cette histoire met en scène un jeune couple ; lui est trader dans une grande banque NewYorkaise, elle est cadre supérieur dans une compagnie d’assurance internationale.

Ils vivent sans soucis dans un appartement donnant sur Central Park.

Un soir le mari (appelons le John) rentre chez lui visiblement ennuyé et dit à son épouse : « Mary ! Sais-tu que notre chien est d’une race extrêmement rare ? Il vaut une somme folle ! »,

« Ah bon ! », dit Mary, « comment le sais tu ? »

« Un collègue qui connait bien le marché des animaux m’en a offert un million de dollars … »

« Un million ???  ouch … et alors ? » s’exclame Mary …

« Ben, je lui ai vendu notre chien ! ,.. » dit John en baissant la tête.

« Comment !!! Remarque pour un million de dollars, je comprend ! Et … il t’a payé ? » demande-t-elle un peu inquiète,

« Oui ! » dit John radieux … « Il me l’a échangé contre deux chats à 500.000 $ ».

Morale de l’histoire :

La morale de cette histoire et que « le marché » est capable de donner de la valeur à tout ce que l’on veut, des chats, des chiens, des actions d’entreprise … le tout est de ne pas être le dernier de la chaîne ! Celui qui a besoin, en cas de catastrophe, de convertir la valeur négociée en vrai argent !

Vous conviendrez que le jour ou John voudra s’acheter une maison à la campagne en vendant ses chats, il risque d’avoir des difficultés !

Par contre, les officionados de la bourse m’objecteront qu’il est toujours possible de convertir des actions en vrai argent … ce qui est marginalement vrai, mais macro-économiquement faux ! et là réside mon soucis.

Finalement, la Bourse ressemble à ces chaînes de l’espoir, où chacun, recevant un courrier, verse 10 € à celui qui lui a envoyé et envoie 10 lettres identiques à ses amis. En payant 10 €, il achète ainsi l’espoir de recevoir 100 € … imparable, mais tout le monde sait que ca ne marche pas.

De l’intérêt des entreprises :

Oui, mais tout ceci permet de financer l’économie !

Je n’en suis qu’à moitié sûr ! Considérons une entreprise cotée en bourse : le jour où celle-ci a mis ses actions sur le marché, elle les a vendues un certain prix. Bien ! Cette vente initiale correspond à du vrai et bel argent qui a effectivement financé l’économie réelle.

Mais une fois le prix de ses actions payé, l’entreprise se contre-fiche de son cours de bourse ! l’argent circule en dehors d’elle.

Ceci n’est vrai qu’au premier degré ; au second degré, elle trouvera peut être plus facilement des appuis bancaires, ou pourra refaire plus facilement appel aux épargnants si son action est florissante, et risquera une OPA si son action est trop basse. Mais ceci est une autre histoire.

De l’intérêt des dirigeants :

Par contre l’intérêt des dirigeants opérationnels est tout autre.

Comme le système a fait d’eux des actionnaires (soit parce qu’ils font partie des créateurs de l’entreprise, soit parce qu’ils se voient affecter des stock options), et ne peuvent que se féliciter d’un cours de bourse élevé. Ils feront donc tout pour être dans les canons de beauté demandés par le marché (c’est à dire, par les agences de notation). Sur ce point que le système peut dérailler car il suit alors les lois du capitalisme pur et dur et non des lois plus équilibrées, incorporant, par exemple une composante sociale ou de protection de la nature.

Bien entendu, les dits dirigeants ont intérêt à vendre leurs actions au plus haut … et du coup, ils sont de moins en moins en moins actionnaires ! donc de moins en moins dignes de la « confiance » du marché.

Par ailleurs, comme le cours de bourse dépend de moins en moins des dividendes, les dirigeants peuvent sans inconvénient s’allouer des salaires démesurés, au détriment des dividendes … Au fond, qui ne ferait pas pareil ?

De l’intérêt des épargnants :

Raisonnons macro-économiquement. Prenons un grand sac et mettons-y un certain nombre d’actions variées.

La logique du début du siècle dernier, est que la valeur de ces actions doit être en rapport avec la somme totale des dividendes distribués dans l’année, et le rendement escompté par le marché ; prenons un exemple :

  • supposons que notre grand sac représente une activité qui produit potentiellement un milliard de dividendes annuels,
  • supposons que le marché soit demandeur d’un rendement de 10% (par comparaison avec d’autres placements),
  • alors la valeur de toutes les actions du sac devrait avoisiner 10 milliards.

Toute sur-valeur ne peut être que le résultat d’un déséquilibre entre différents sacs, ou d’un emballement du marché (une bulle).

Or la valeur du grand sac mondial était de 26 900 milliards de dollars en 1995, soit 70 % du PNB planétaire. Comme vous le savez toute l’économie n’est pas côtée en bourse, loin s’en faut, ceci signifie que la capitalisation boursière mondiale est bien supérieure à 10 fois les bénéfices dégagés par les sociétés côtées.

Je crains, dans ces conditions que les épargnants ne soient collectivement propriétaires que d’une richesse fictive … composée de chats et de chiens de grande valeur.

De l’intérêt de la planète :

J’ai souvent lu que la Bourse est le coeur de l’économie. Si elle ne produit rien, elle irrigue, tout comme le coeur, les muscles productifs en faisant circuler les capitaux.

Qu’elle fasse un infarctus, comme au Japon, et l’économie est asphyxiée. Qu’elle ait un pouls de sportif, comme aux Etats-Unis, et les entreprises trouvent plus facilement des capitaux pour se développer.

C’est sans doute vrai !

Mais je ne sais pas pour votre cœur, mais le mien pulse un sang bien liquide, et non un sang rempli de bulles de gaz prêtes à boucher les artères de mon cerveau … enfin, je l’espère !

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