Considérations sur la création monétaire

La crise que nous connaissons actuellement, nous confronte à tant de domaines nouveaux, qu’il n’est pas inutile d’essayer de mettre de l’ordre dans tout ce qui nous est dit.

Commençons par une question que je trouve passionnante : qui créé l’argent ?


La monnaie fiduciaire

Je suis sûr que vous pensez que l’argent est créé uniquement par les états !

Vous n’avez pas totalement tort sauf qu’aujourd’hui, les états ne créent (en première approximation) que l’argent « physique » (les billets et les pièces de monnaie) également appelée monnaie fiduciaire.

Mais le volume total de monnaie fiduciaire est très inférieur à la masse d’argent circulant à un moment donné (moins de 10% disent les experts) !

D’où vient le reste ? Voyons sur un exemple comment les choses se passent.

Les orfèvres du 17ème siècle :

Les orfèvres italiens du 17ème siècle manipulaient beaucoup de bijoux et de pièces d’or ; par prudence, ils avaient tous construit des coffres permettant d’enfermer les dites valeurs afin d’éviter qu’elles ne soient dérobées.

Tout naturellement, les gentilshommes désargentés sollicitèrent les orfèvres pour que ceux-ci leur prêtent une petite partie de leur capital.

Première invention géniale, les orfèvres constatèrent que, plutôt que de prêter des pièces sonnantes et trébuchantes, ils leur suffisaient de signer des lettres de change, garantissant aux porteurs la possibilité de se faire payer par l’orfèvre, l’effet était exactement le même ! La lettre de change était échangeable aussi bien que l’or ou les valeurs, qui étaient elles toujours à l’abri dans le coffre ; L’argent papier était né.

Bien entendu, une fois en possession d’une lettre de change, un gentilhomme pouvait la donner ou la vendre à qui il voulait, mais il devait rembourser le capital emprunté plus des intérêts par mensualités dans un temps donné.

A la fin du remboursement, l’orfèvre était en possession des remboursements, des intérêts et des pièces d’or empruntées qui étaient toujours dans son coffre.

Bien entendu, la lettre de change restait en circulation, et son porteur pouvait à tout moment venir réclamer le capital initial ou sa contre-valeur.

La seconde invention géniale est venue du fait que les orfèvres ont compris que les porteurs de lettre de change ne venaient jamais chercher l’or ou sa contre-valeur en même temps.

L’orfèvre pouvait donc émettre plusieurs lettres de change correspondant au même argent physique stocké dans son coffre, sans que personne ne s’en aperçoive … et ils toucheraient plusieurs fois les intérêts, voire disposerait de plusieurs fois les remboursements. La notion de réserve fractionnelle était née.

Enfin, les bourgeois, voyant la prospérité des orfèvres, leur proposèrent d’entreposer leurs propres valeurs dans leurs coffres, afin de profiter eux aussi du système ; les orfèvres étaient devenus banquiers !

Les deux types d’argent :

Comme on le voit dans l’exemple précédent, il y a bien deux types d’argent :

a) la monnaie fiduciaire : en plus simple, l’argent réel, qui correspond aux pièces d’or dans le coffre de l’orfèvre,

b) la monnaie scripturale : l’argent fictif créé par les prêts accordés par les banquiers.

Les modes de contrôle :

La réalité d’aujourd’hui n’est pas différente de la réalité des orfèvres du 17ème.

Toutefois, pour éviter que le système ne dérape,  les banquiers se sont donnés des règles : un capital d’argent réel ne peut pas être prêté plus de N fois … Typiquement 6 fois aujourd’hui ; on dit que le ratio actif/encours ne peut dépasser 15%.

Mais ce contrôle est-il efficace ?

Imaginons un exemple :

Un industriel est spécialisé en fabrication de caramels mous.

Il décide d’acheter une nouvelle machine, et prend contact avec un banquier pour se faire prêter l’argent nécessaire.

Le banquier vérifie ses ratios et considère qu’il peut prêter la valeur de la machine, car ses encours représentent moins de 15% de ses actifs.

(Vous avez bien compris que l’argent prêté à l’industriel sera scriptural ?)

L’industriel commande sa machine ; il paie la valeur de la machine au fabricant ; le fabricant dépose cet argent à la banque ; il paie ses ouvriers avec, lesquels ouvriers déposent leur salaire à la banque … et ainsi de suite.

Le problème est que cet argent, en étant ainsi réinjecté, perd son statut de scriptural et devient un nouvel actif de la banque.

Celle-ci peut donc prêter 6 fois cette nouvelle somme à plein d’autres industriels dans des domaines variés.

On voit doit que le système, apparemment parfaitement contrôlé, est en fait en boucle ouverte, et les banques peuvent créer autant de monnaie scripturale qu’elles le souhaitent.

Du coup, les sommes colossales évoquées dans les médias, ne sont qu’une pure création de l’esprit et non une réalité économique ! hors bien sûr l’engagement pris pas le débiteur de rembourser sa dette !

L’enrichissement de la banque au final :

Vous aller me dire : « incroyable ! alors la banque peut créer tout l’argent qu’elle souhaite ? elle est immensément riche alors ! »

Oui et non ! Car la monnaie scripturale étant assise sur des dettes,  s’évapore au fur et à mesure que les créanciers les remboursent … Sauf qu’en les remboursant, ceux-ci remplacent la monnaie scripturale par de vraies valeurs, et à la fin du remboursement, la banque à transformé de l’argent inventé en vrai argent.

Faisons un calcul élémentaire et prudent :

Vous placez 100 € à la banque

Celle-ci prête 10 fois cette somme à 5% pendant un an

Au bout d’une année, la banque a touché 10 fois 102,5 € (à cause des intérêts composés) soit 1025 €.

La banque, faisant preuve d’une honnêteté qui l’honore, vous rembourse votre mise initiale avec un intérêt de 3%

Par ailleurs, tous les prêts étant destinés à acheter des biens, les fournisseurs de ces biens réclament rapidement leur argent ; le banquier sera donc obligé de sortir 10 fois 100 € de sa poche.

En une année, la banque a transformé vos 100 € initiaux en 22 € dans sa poche, et vous a donné royalement 3 € d’intérêts !

Bon, je sais ! C’est un peu simpliste et caricatural, mais pas très loin de la vérité.

Conclusion

Cette réalité commence à apparaître de plus en plus publiquement.

Tant que les dettes publiques restaient dans l’épaisseur de ce que les états étaient capables de rembourser, l’iniquité du système était pudiquement passée sous silence, car chacun y trouvait son intérêt.

Maintenant que la dette commence à représenter une fraction très visible des budgets nationaux, le fondement des dettes souveraines est de plus en plus contesté par les peuples.

Qui s’en étonne ?

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