Le droit d’ingérence …

Il est des concepts simples que l’on a tendance à oublier !

Lors d’une émission récente (par ailleurs, particulièrement ennuyeuse), Jacques Attali a dit une chose essentielle : « la démocratie suppose l’existence de frontières ! »

Déclinons un peu cette pensée fort juste …


De la notion de frontière :

Une frontière n’est pas seulement une ligne tracée de façon arbitraire sur le sol de notre planète, c’est d’abord et avant tout un ensemble des règles politico-sociales qui caractérisent un groupe d’hommes et de femmes qui ont choisi de vivre ensemble et de partager un certain nombre de choses essentielles :

La première chose à partager est « un droit » ; il existe plusieurs grandes familles de « droit » : le droit basé sur le code Napoléon, le droit anglo-saxon, la charia …

La seconde chose à partager est un gouvernement avec tout ce qui va avec : police, armée, système de santé …

La troisième chose à partager est le « vivre ensemble » qui passe par les partis politiques, les syndicats, la relation au spirituel, la presse, la culture …

Ainsi, la Belgique et la France, pour prendre un exemple proche, ne sont plus vraiment séparés par des postes frontières ; le code civil belge ressemble étonnamment au nôtre, mais l’environnement politico-social est différent, de sorte qu’il est évident à tout le monde qu’une loi votée en Belgique n’a pas de raison de s’appliquer en France et inversement.

Pour résumer, la France et la Belgique sont indéniablement deux nations différentes séparées par des frontières multiples qui ne sont pas que géographiques

De la notion de souveraineté :

Peut être habitez vous un appartement dans un immeuble.

Même si vous vous entendez parfaitement avec vos voisins, vous n’êtes pas d’accord si la grand’mère de la voisine prend parti dans dispute qui vous a opposée à votre femme hier soir !

Vous n’êtes pas non plus d’accord si votre voisin décide unilatéralement de repeindre le palier, et vous présente une facture pour partager les frais !

Enfin même si vous êtes plutôt de caractère accommodant, la petite voisine du dessus qui met sa musique à fond à partir de minuit commence à votre échauffer sérieusement les oreilles.

Toute cette gradation de sentiments se retrouve dans les relations entre les peuples !

  • Il est naturel que les grecs trouvent que le FMI s’ingère dans ses affaires intérieures quand ce dernier leur demande de privatiser leur administration postale ! (je n’ai pas dis que la position du FMI était infondée !)
  • Il est naturel que les allemands trouvent que les portugais tirent un peu sur la ficelle, quand ces derniers manœuvrent pour faire payer leurs déficit à l’Europe !
  • Il est naturel que le Royaume Unis contrôle son immigration ou que la Suisse interdise les minarets.

En résumé, il est naturel que chaque peuple soit maître chez lui, et que les décisions prises par sa majorité s’appliquent sur son territoire sans être critiquées par le peuple voisin ! Ou pire, sans que les voisins interviennent dans leurs affaires !

De la notion de démocratie :

Curieusement, la notion de démocratie, qui me semble incroyablement claire, est quelquefois interprétée de façon outrancière : j’entendais hier un commentaire étonnant de je-ne-sais-plus-qui, qui disait en résumé : « la condamnation internationale de Mouammar Kadhafi est un grand pas vers la démocratie ! »

Je ne défend pas Kadhafi, mais tout de même, l’opinion de la France, les Etats Unis, la Russie et de quelques autres pays est certes très intéressante, mais n’a pas n’a pas à s’imposer au peuple Lybien.

Qui sommes nous donc pour décider que Kadhafi est un dictateur à supprimer ? Une partie importante du peuple Lybien le soutient, une autre partie le combat … mais cette situation est pratiquement universelle : un parti au pouvoir et une opposition !

Nous français, aurions nous  accepté que les anglais interviennent pour destituer le Général de Gaulle ou le président François Mitterrand ?

Soyons clairs : chercher à faire partir Kadhafi est un acte de guerre ; appelons un chat un chat.

De la notion de « droit d’ingérence » :

Le droit d’ingérence est historiquement la reconnaissance du droit qu’ont une ou plusieurs nations de violer la souveraineté nationale d’un autre État, dans le cadre d’un mandat accordé par une autorité supranationale.

Ce « droit » porte d’ailleurs très mal son nom, puisqu’il n’est juridiquement pas fondé.

Bernard Kouchner, amorçant la dérive, le définissait il y a quelques semaines comme le droit d’intervenir pour empêcher le gouvernement d’un pays de martyriser son peuple.

Il nous faut être extrêmement prudents, car il n’y a pas de différence évidente, entre l’application du droit d’ingérence et une déclaration de guerre.

Alors, tant que le droit d’ingérence « oppose » les partisans de Laurent Gbagbo au reste de la planète, le risque d’un dérapage est faible ; mais le jour où nous nous friterons avec la Chine, ou avec la communauté islamique, le risque d’un embrasement est malheureusement bien présent !

Or, nous n’en sommes pas loin :

  • Pourquoi ne pas aller chatouiller les Chinois au Tibet ? Ne sont-ils pas en train de martyriser les Tibétains ? Si nous le faisions, le risque d’une guerre mondiale ne serait pas nul,
  • Pourquoi ne pas aller s’ingérer un peu plus dans les affaires arabes ? Et étendre le conflit israelo-palestinien à toute la Méditerranée ?

En conclusion :

Aborder le sujet ci-dessus n’est pas simple ; j’entends dans le lointain les chantres de la pensée unique qualifier mes propos :

  • « C’est une inqualifiable atteinte à la démocratie ! »
  • « C’est à l’évidence, une dérive populiste d’extrême droite ! »
  • « Des discours comme ça font le lit de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme ! »

Et pourtant, à aucun moment la moindre considération sur les races, l’immigration, ou la préférence nationale n’ont été avancées, ni par moi, ni par Jacques Attali.

La vraie question est la suivante :

Jusqu’au milieu du 20ème siècle, les chefs d’état engageaient des guerres des guerres et conduisaient des millions de citoyens à la mort, et des pays entiers au désastre économique.

Depuis 50 ans, nous pensons que les instances internationales nous protègent de ces catastrophes ; et pourtant, il y a l’Afghanistan, l’Irak, la Palestine, les balkans, l’Afrique … et ce n’est malheureusement pas fini.

Pensons nous vraiment que le fait, pour quelques pays de voter une résolution avec cérémonie, légitime leur intrusion dans un pays qui n’a pas l’heur de leur plaire ?

Pensons nous qu’il y a une vraie différence de nature entre nos comportements d’hier et ceux d’aujourd’hui ?

Croyons nous sincèrement que le mot « démocratie », nous autorise à nous ingérer dans les affaires des autres ?

Pour ma part, je crois de la diplomatie peut gommer les difficultés entre les peuples, mais l’intervention est un faux semblant

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