Vive les politiques qui n’ont pas leur langue dans leur poche !

Il y a dix ans, chaque citoyen choisissait, pour des raisons diverses (origine, sensibilité de classe, histoire personnelle … etc), de faire confiance à un parti politique, et adhérait ensuite par principe à toutes les thèses défendues par ce parti.

Aujourd’hui, le jeu est devenu beaucoup moins manichéen ; on peut être en phase avec certaines positions prises par un parti, et être en désaccord fondamental avec d’autres.

Les citoyens traduisent cet état de fait par la phrase lapidaire suivante : « on ne peut plus faire confiance aux politiques ».

Le jeu est en passe de se clarifier … Avec à la clef le renouvellement des responsables politiques.


L’opposition droite-gauche ne signifie plus rien :

N’en déplaise aux théoriciens du passé, la droite et la gauche n’existent plus ; ou pour être plus précis, n’existent plus en référence à leur socle historique.

  • L’extrême gauche et l’extrême droite défendent toutes deux la classe ouvrière,
  • Le parti socialiste et l’UMP professent sur l’économie des idées qui ne s’opposent pas frontalement,
  • Le PS est pro-européen, alors que les défenseurs historiques de l’Europe commencent à se désengager,

Bref, plus personne n’arrive à se positionner clairement sur l’échelle droite-gauche.

Les grandes familles politiques structurellement incapables d’être claires :

Par ailleurs, le fait d’avoir deux « grands » partis de gouvernement, rassemblant une multitude de tendances, les a tout naturellement amenés à faire des « synthèses » et des « compromis » qui affadissent leurs discours.

Cet affadissement cache dans les faits de fortes dissensions internes, qui se traduisent par l’emploi d’une novlangue incompréhensible, censée rassembler dans une même envolée lyrique des positions incompatibles.

Pour le citoyen, cette novlangue conduit à rendre totalement inaudibles les discours des uns et des autres.

Ceci est particulièrement vrai pour le parti socialiste ; les citoyens vont même jusqu’à utiliser le mot de « mensonge » pour qualifier les discours des principaux responsables (en fait, à de rares exceptions près, les socialistes sont obligés d’utiliser un langage masqué pour faire disparaitre dans un discours lisse, leurs désaccords internes).

Pour les mêmes raisons, l’UMP était également inaudible (qui se souvient du moindre discours de Fillon ou de Juppé ?) ; par contre, « la droite décomplexée » a amorcé un mouvement de clarification (que les opposants ont appelé « droitisation ») qui porte ses fruits, puisque Coppé commence à être reconnu comme portant des idées qui font sens (ca ne veut évidemment pas dire que tout le monde est d’accord avec lui :)).

L’absolue nécessité d’être précis :

Comme nous l’avons vu au départ, les politiques ne peuvent plus compter sur l’adhésion aveugle de leurs partisans ; par ailleurs, ils ne peuvent plus espérer les rallier avec des discours fumeux.

Les politiques sont donc inéluctablement conduits à tenir des discours précis ; donc à faire apparaître leurs différences au sein de leur famille politique.

Ceux qui l’ont compris s’appellent Jean Paul Mélanchon, Marine Le Pen, Henri Guaino, Malek Boutih, Nicolas Dupont Aignan … et quelques autres.

Cette nouvelle façon de présenter ses idées va conduire à mon sens à une fragmentation des grands partis au profit de tendances multiples, recherchant les alliances sujet par sujet.

Cette fragmentation n’est pas à craindre ; elle est évidemment porteuse de quelques inconvénients mais elle va dans le sens de la réconciliation de la politique et du peuple.

Qu’elle sont aujourd’hui les grandes lignes de force :

La politique ne se lit plus sur une échelle linéaire ; on peut être d’accord avec la politique européenne du Front National, avec les idées sociétales du PS, et avec la position de l’UMP sur l’immigration, sans pour autant adhérer à aucun de ces trois grands partis.

De fait, il convient de lire les positions des uns et des autres selon plusieurs lignes de front :

Le front économique qui oppose :

  • les tenants du libéralisme (la droite de l’UMP qui prône la libéralisation du marché du travail et le désengagement de l’état),
  • les tenants du modèle social français, alias l’état providence (l’extrême gauche, la gauche du PS),
  • les mous de partout, professant doctement un opportunisme de girouette (le centre),
  • sur fond de désengagement européen (le FN, Mélanchon et quelques autres).

Le front sociétal qui oppose :

  • Les tenants de la morale laïque et du changement de notre société (le PS, les verts),
  • Les tenants des valeurs traditionnelles (la manif pour tous et autres veilleurs).

Accessoirement, le front écologique qui oppose :

  • les tenants d’un retour aux fondamentaux (Nicolas Hulot),
  • les tenants de l’écologie industrielle (Arnaud Montebourg),
  • les écolo-politques (Duflot, Placé).


    Pourquoi sommes nous perdus ?

    Comme on peut le voir ci-dessus, la multiplicité des fronts brouille les codes traditionnels :

    • L’UMP est sur le terrain économique tandis que le PS est sur le terrain sociétal (alors forcément, le peuple trouve que que l’opposition est étrangement silencieuse !).
    • L’extrême gauche et l’extrême droite portent en gros le même discours de base (défense de la classe ouvrière, désengagement européen).
    • L’opposition sociétale n’est pas structurée autour d’un parti traditionnel, mais fait émerger des groupes de pression très forts au gré des sujets abordés (manif pour tous, pigeons, bonnets rouges, dieudonnistes …),
    • Les syndicats sont devenus inaudibles, tandis que les lobbies ultra-minoritaires (genre LGBT) font un barouf d’enfer,
    • Le Front National, autrefois diabolisé, est invité sur les plateaux des médias, et ses leaders tiennent des discours compréhensibles,
    • de plus en plus de journalistes ou d’intellectuels versent dans la dénonciation de la pensée unique (Zémour, Finkelkraut …).

    Comment voulez vous que le bon peuple, guidé par les bons journalistes, s’y retrouve.

    Qui est d’accord avec un changement des règles du jeu ? qui n’est pas d’accord ?

    Le moins que l’on puisse dire c’est que le parti socialiste n’est pas d’accord avec cette tendance.

    Il a d’ailleurs redéfini un mot à cet effet : le mot « République ». Est républicain ce qui va dans le sens des grands partis de gouvernement, est non-républicain, tout le reste (c’est un peu comme les journalistes qui se prennent pour la démocratie !).

    Sarkozy et Coppé, en créant la droite décomplexée, ont compris la tendance, et ont décidé de la suivre. Le reste de l’UMP, conduit par les ténors historiques, reste très prudent (euphémisme).

    Le Front National préfèrerait que PS et UMP persistent dans l’erreur (ils ont même créé l’UMPS pour grossir encore l’amalgame).

    Les centres (Modem et UDI), ainsi que l’extrême gauche et les écologistes ont décidé de pousser la logique de la clarté, sous les sarcasmes des autres.

    Ce qui va se passer …

    La parcellisation du discours, et par conséquent l’apparition de « spécialistes », est inéluctable.

    C’est déjà le cas avec Guaino sur la famille, Léonetti sur la fin de vie, Carez sur le budget, Hulot sur l’écologie,  Fabius sur la politique extérieure.

    Les hommes politiques qui continueront à essayer « d’embrasser trop large » vont se perdre dans les brumes des discours creux et vont disparaître par eux-mêmes.

    Comment se positionner pour être le prochain président ?

    Ne pas dire : « je suis du parti machin » !

    Évidemment, ne pas se plier à un quelconque mécanisme de primaire qui est un piège.

    Bien clarifier les différents fronts et dire :

    • j’adhère à la position de la mouvance « bidule » de l’UMP sur tel sujet
    • j’implémenterai ce que recommande le groupe « tartemolle » du PS sur tel autre sujet,
    • je suis en phase avec ce que défend tel mouvement apolitique sur l’euthanasie, et tel autre sur la protection des champignons de couche.

    Conclusion :

    Quand au restaurant le menu n’est pas terrible, il reste la possibilité de choisir la carte.

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